Avec la création des Callaïdes environ un siècle avant la naissance de nos héroïnes, avaient commencé à fleurir quantité d’ouvrages traitant aussi bien de bonnes manières que d’arts et de leur pratique. Parmi eux, citons le Traité sur la danse et sur la bonne manière de l’enseigner aux dames et aux cavaliers, d’un certain Siméon de Lauze, ouvrage encore consulté par les maistres et les maistresses de danse.
Dans ce volumineux livre de 457 pages, penchons-nous sur un chapitre un particulier, chapitre intitulé De l’adéquation de certaines danses avec la morphologie féminine, avec cet étrange schéma qu’il propose en ouverture :
Au-dessus de la flèche, une belle collection d’adjectifs résumant ce que peut être la morphologie d’une dame avec, pour le cas où le lecteur n’aurait pas compris, de désopilantes gravures pour l’illustrer. Et au-dessous, une liste (non exhaustive, loin s’en faut) de danses pratiquées dans les huit royaumes et en adéquation avec les morphologies mentionnées. Là aussi, on remarquera le cocasse “aucune” qui foudroie les pauvres femmes ayant soit la peau sur les os, soit au contraire en ayant une quintuple épaisseur. On remarquera par ailleurs la piètre considération dont font injustement objet les danses d’auberge. Injustement car, à notre humble avis, il n’est jamais désagréable, lorsque l’on dîne dans une auberge après une journée de voyage sous la pluie, de se remplir l’estomac avec un bon pot-au-feu tout en observant une danseuse un peu en chair exhiber agréablement ses charmes. Après, le manuel étant destiné à des dames nobles, on comprendra mieux cet acerbe commentaire de Lauze : « Une dame voluptueuse, si elle volt pratiquer la danse, se doict d’éviter tote lasciveté qui lui seroit facile par ses rondeurs. Qu’elle s’efforce de devenir harmonieuse ou qu’elle choisisse une danse décente (voir paragraphe suivant), mais qu’en aucun cas elle ne s’abaisse à prendre son salon por une auberge. Ce seroit courir le risque d’être prize pour une goton. » Que cela soit dit.
Sinon, le lecteur des Callaïdes aura remarqué la présence de la kalani et de l’arvalie, ce qui est un indice sur la morphologie de certains personnages. Allez, pour satisfaire ta curiosité, je veux bien t’indiquer où se situent les différentes Callaïdes :
— D’abord, forcément, Mari : sans aucun doute, elle appartient à la catégorie “grêlette”. Mais le personnage évolue et, au moment où j’en suis dans ma rédaction, la voilà clairement devenue “déliée”. Voilà qui va devenir plaisant pour moi.
— Sybil : Très clairement voluptueuse, et c’est bien là tout le problème (surtout pour elle, moins pour nous). Le corps est agréable à voir mais, pour l’arvalie, il n’est pas le plus agile.
— Aalis : lorsqu’elle ne mange pas des pains à andouille lors de ses moments de mélancolie, elle est parfaitement harmonieuse. Devenir déliée lui serait difficile par contre.
— Alya : Entre “déliée” et “harmonieuse”. Grand corps mais appétit raisonnable, c’est tout ce qu’il faut pour l’arvalie. Cependant, si elle devait évoluer, j’imagine que ce serait du côté de “grêlette”. S’il te plaît, douce Alya, songe à bien te nourrir.
— Charis : Même chose qu’Alya. Il faut dire aussi qu’une malencontreuse aventure vécue dans le Livre I lui a permis de perdre sans efforts plusieurs livres. À la fin du Livre III, toujours en cours d’écriture, elle devrait devenir pleinement “harmonieuse” du fait d’un important changement dans sa vie. À moins que…
Voilà, j’espère que tu es satisfait et que ces précisions sauront rendre tes rêves moins secs .
Pour terminer, un mot sur la jaïdi : c’est une danse qui doit apparaître justement dans le Livre III. Une danse cymbadienne précisément. Le mot signifie « volutes vaporeuses ». Alors que je suis sur le point d’écrire une scène où elle doit être pratiquée par deux danseuses (danseuses pourvues d’une tenue bien inhabituelle pour danser), j’avoue justement éprouver quelques vapeurs !
Fascinante civilisation que la civilisation Cymbadienne.
Gaspard Auclair