Les belles histoires “dereiglees” de l’oncle François

Les Histoires memorables et tragiques de ce temps où sont contenues les morts funestes et lamentables de plusieurs personnes, arrivees par leurs ambitions, amours dereiglees, sortileges, vols, rapines et autres accidens divers.

Tel est le titre original des Histoires Tragiques de François de Rosset, parues en 1614 avant d’être rééditées un nombre considérable de fois, faisant de ce recueil de nouvelles un best-seller avant la lettre. J’avais lu le recueil il y a longtemps. Je me l’étais procuré à l’époque où on le trouvait encore au Livre de poche dans la collection Bibliothèque classique et bien m’en prit car on ne l’y trouve plus maintenant. Pour lire du Rosset, il est probable qu’il faille aller voir du côté de la collection Bouquins/Laffont avec l’anthologie intitulée Théâtre de la cruauté et récits sanglants en France XVIe-XVIIe siècles. Et encore, pas sûr que l’on y trouve l’intégralité des vingt-trois histoires présentes dans le recueil de Rosset (et j’y songe tout à coup, j’essaierai de me le faire offrir pour Noël. Joie et plaisir de lire de belles et saines histoires en compagnie de Dean Martin et de Nat King Cole susurrant des chansons de Noël !).

Bref, je l’ai donc lu, ce recueil, et je me souviens avoir été surpris par la collection de vices et de turpitudes pourtant annoncés par le titre original. Jugez plutôt : débauche, adultère, inceste, persécution, assassinat, sorcellerie, pacte avec le diable et autre sodomie (thème évidemment plus sulfureux au XVIIe qu’à notre époque) constituent le lot quotidien des personnages que met en scène de Rosset non sans délectation, en dépit de ses cris d’orfraie pour déplorer le vice et les mœurs relâchées de son siècle. Sade a-t-il lu les Histoires Tragiques ? On peut parier là-dessus. Et Dumas l’avait-il en tête quand germa dans son esprit le personnage de Milady ? Je n’en ai aucune idée mais il ne serait pas incohérent de l’imaginer tant dans sa fameuse trilogie, Les Trois Mousquetaires, situés au plus proche de l’existence de Rosset, dans une France baroque et non la France classique s’apprêtant à advenir dans Le Vicomte de Bragelonne, apparaît comme le roman le plus sombre, pour ainsi dire le plus rossétien dans certains écarts pernicieux de conduite, écarts aussi bien du fait de Milady que de d’Artagnan qui, un soir, décide de profiter de l’obscurité pour visiter les cuisses de la sulfureuse Comtesse de Winter en se faisant passer pour le Comte de Wardes, “exploit” qui n’aurait pas dépareillé parmi les 23 Histoires Tragiques.

Biberonné de Dumas, je n’ai eu aucun mal à apprécier les Histoires Tragiques. Et alors que je me suis mis à les relire dernièrement, je me suis surpris, à la lecture de la quatrième histoire, de constater que la belle héroïne s’appelle Calliste. Y a-t-il eu réminiscence inconsciente lorsque j’ai choisi ce nom de “Callaïde” ? Allez savoir. En tout cas je m’aperçois qu’il est probable qu’il y ait eu celle concernant la peinture d’écarts sulfureux propres à une société noble du XVIIe siècle.

Car si les Callaïdes ne sont pas non plus des dépravées, elles sont environnées de ces turpitudes et surtout, en dépit de leur apparence irréprochable, ne sont pas sans être parfois elles-mêmes “dereiglees”. Pas non plus des jeunes femmes à cornes, comme le sont les différents personnages des images accompagnant l’article, mais des roses avec des épines plus ou moins longues, plus ou moins empoisonnées et, peut-être, je ne puis encore l’affirmer mais il n’est pas impossible que cela finisse par advenir puisqu’il faut bien se protéger que diable ! plus ou moins meurtrières…

Gaspard Auclair

 

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