Autres voix : “Festin de courbes défendues”, de Galien Barde

Unique portrait connu de Galien Barde

Galien Barde, le poète importun qui sévit ici et là dans l’intrigue de La Plume viciée, était le poète des petits riens, capable de consacrer une poignée de lignes à une démarche ondulée, la lumière d’une lanterne, une porte qui grince ou l’odeur tenace d’une flatulence. Ce qui a fait dire aux mauvaises langues qu’il était le chantre des crottes de mouche. Mais curieusement, certains esprits le considéraient comme particulièrement inventif. En vérité, il faut avoir lu les 437 poèmes en prose poétique de son recueil Frissons et fulgurances : Poésie des riens transcendantaux, pour se faire une idée. Vous hésitez à entreprendre l’aventure ? Je puis comprendre cela. Allez, pour commencer, contentez-vous de lire les extraits qui apparaîtront de temps en temps en ces pages. Et dites-vous sinon que les Callaïdes ont fait leurs délices de la lecture de morceaux choisis de Barde le barde lors de soirées en robes de nuit. Voirement, certaines avaient mal à la mâchoire à force de rire — alors que les effets comiques n’étaient pas nécessairement voulus par l’auteur.

Pour aujourd’hui, livrons la fulgurance 221 consacrée à la belle décollade d’une servante rencontrée dans une auberge.

 

221

Festin de courbes défendues

Par la chopine et le ciel étoilé, quel spectacle émoustillant ! Ces collines plantureuses, défiant vaillamment le tissu, sont un poème en elles-mêmes, des mamelons du paradis à peine voilés par une audacieuse chemisette. Chaque pas de la servante est une ondulation hypnotique, une mer de promesses qui fait chavirer mon âme et ma sobriété. Ah, si j’étais une humble goutte de sueur, pour dévaler ces pentes voluptueuses et atteindre le mystère des mystères… Mais non, je reste là, pauvre observateur, à calculer la circonférence de ces merveilles en silence, géomètre maudit des plaisirs interdits et envahi de désirs aussi ridicules qu’irrésistibles. Las ! faute d’oser gravir ces sommets interdits, je me retire dans ma chambrette, prêt à invoquer manuellement en solitaire les muses de l’extase, pour apaiser l’orage furieux qui gronde en mon esprit et ailleurs.

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