Résumé de l’épisode précédent : Bastien a fait un rêve fort doux. Du moins au début. Dans ce rêve, il se trouvait sous la courtepointe, en compagnie d’Élodie, à effectuer de ces gestes dénotant une belle intimité. Malheureusement, les enlacements se sont terminés avec une Élodie arborant la même blessure sangante que la petite Éloïse et, surtout, suppliant Bastien de la « raccourcir ». Un peu perturbé, il se rend malgré tout chez le bourreau André Colart pour de nouveau le faire parler de son beau métier…
Mais avant cela, il se rendit à la gazette, non pour revoir celle qui avait été la cause d’une nuit aussi exaltée que ténébreuse, mais pour avoir l’avis de Faumiel sur son article. Ce dernier était très enthousiaste. Quelle belle idée il avait eue de restituer les paroles de Colart à la première personne ! Incroyable, cette histoire de petite sœur défigurée par un chien ! C’était bien simple, on avait l’impression d’y assister. À la réflexion, ce n’était pas deux ou trois articles qu’il fallait viser, mais plutôt le double. En tout cas, il attendait avec impatience le retour des lecteurs.
Il lui montra d’ailleurs l’exemplaire du jour. André Camier avait illustré son article par un dessin représentant un garçon, un genou posé au sol, face à un chien couché, qui l’observait. Sa main droite tenait un long couteau de cuisine. L’image faisait son effet au milieu de la page.
— Joli, hein ? fit Faumiel en voyant Bastien observer le dessin. J’ai demandé à André d’illustrer systématiquement un de vos articles sur le bourreau. Vous vous rendez chez lui, je suppose ? Travaillez bien, essayez de lui faire conter de belles horreurs. »
De belles horreurs… La remarque agaça quelque peu Bastien dont le but était justement de ne pas céder à la sollicitation des bas instincts sanglants du public. Mais enfin, c’était aussi la vie du bourreau André Colart, c’était lui qui allait la raconter, il se contenterait juste de la retranscrire, belles horreurs ou pas.
En entrant chez lui, il aperçut deux verres déjà posés sur la table, accompagnés d’une bouteille de vin de Jouan.
Par politesse, Bastien lui avait apporté un exemplaire de La Gazette pour lui montrer son article.
— À vrai dire, répondit Colart, moi qui ne lis aucune gazette, je suis tombé ce matin sur votre crieur et la curiosité m’a poussé à lui en acheter un exemplaire.
— Et alors ? demanda Bastien, un peu anxieux, avez-vous aimé l’article ?
— Dire que je n’ai pas aimé serait incohérent puisque vous avez restitué presque mot à mot mes dires. La sensation a été estrange pour moi de lire pour ainsi dire ma voix, je me suis demandé ce que vos lecteurs en penseraient. Mais je ne regrette pas mes paroles, comme je ne vais pas regretter celles que je m’apprête à vous livrer. Ah ! J’ai été étonné aussi par l’illustration. Votre illustrateur a bien su saisir la posture du chien et le tragique de la scène.
Bastien fut soulagé d’entendre tout cela. Il sourit même car derrière ces phrases, il crut déceler un léger contentement, presque de la fierté à se sentir honoré d’un texte qui serait lu par plusieurs centaines de personnes.
— Il nous arrive de recevoir du courrier dès le lendemain de la parution d’un article. Je pourrai donc peut-être vous dire ce qu’en pensent les lecteurs. Mais je pense qu’il n’y a pas trop lieu de s’inquiéter, ils vont aimer, j’en suis sûr !
S’il ne répondit pas, Colart remplit les verres presque à ras bord, geste qui dénotait assez bien du plaisir qu’il avait à quitter quelque peu l’ombre dans laquelle l’avait maintenu sa profession.
Mais le plaisir devait être suivi d’un certain recueillement afin de reprendre le fil de la discussion achevée la veille.
— Bien, je vais poursuivre le cours de ma vie maintenant. Sur quoi nous étions-nous arrêtés ?
— Sur votre envie de vengeance concernant Gérald. Et deux idées aussi qui vous sont venues…
— Ah oui ! Commençons par la première : rien moins que devenir bourreau.
— Déjà ? Si jeune ?
— Je crois que c’est la mort de ma sœur, à vingt-trois ans, qui m’y a poussé. Sa mort m’a brisé, mais elle m’a aussi donné une raison. En devenant apprenti-bourreau, je voyais une manière de rendre justice à ceux que la société avait oubliés, à ceux qui, comme Éloïse, avaient été victimes de la cruauté des autres. Ces autres, j’en ferais désormais mon affaire afin que d’innocentes gens ne souffrent pas comme elle. Y avait-il de la vengeance dans mon choix ? Sans l’ombre d’un doute. Mais aussi le désir sincère de ne pas laisser la cruauté impunie. En tout cas mon désir tombait à point nommé car il se chuchotait que le bourreau de Thouard, maistre Clovis Rougeon, se faisait vieux et cherchait un apprenti pour transmettre sa charge. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que la charge de bourreau se transmet de père en fils sauf si le bourreau n’a pu justement fonder une famille. On lui permet lors de se trouver un apprenti. C’est du moins la règle pour les bourreaux en dehors de la Capitale puisqu’ici, vous le savez aussi, le bourreau est choisi grâce à une épreuve. J’allai donc le voir un matin pour lui dire ma volonté d’être son apprenti. Le mot peut prêter à sourire, apprenti d’un bourreau. Le commun doit s’imaginer que jour après jour, j’ai dû couper des têtes sous les conseils de mon maître. Il n’en est rien car cette haute œuvre n’est échue qu’au bourreau. Si mon maître m’avait permis de torturer ou de tuer, nous aurions eu tous deux de gros soucis.
— Vous vous êtes donc contenté de l’observer ?
— Essentiellement, mais pas seulement. Ici, il convient que je vous parle d’abord de mon maistre. Un bourreau, c’est chose entendue, doit savoir comment tuer et torturer. Mais dans la pratique, il en est de ce métier comme tous les autres, on y trouve aussi bien des maistres que des tâcherons. Sous son apprentissage, j’ai assisté à plusieurs tortures. Avec un autre, elles auraient duré des heures et réduit les corps en une charpie sanglante. Lui, n’avait besoin que de quelques minutes. Ayant une parfaite connaissance du corps humain, il observait celui de son patient (il préférait ce terme à celui de victime) pour l’étudier, le sonder, afin de prévoir la meilleure torture adaptée à ce corps. Et finalement, tout le monde était content : lui, parce que cela lui évitait de pénibles heures de travail à entendre des hurlements (il n’aimait pas cela), les sergents parce qu’ils pouvaient occuper leur journée à autre chose, enfin le patient qui se voyait soit aller en prison, soit être libéré, le corps à peu près intact. Cela peut sembler estrange de le dire, mais mon maître était une sorte d’humaniste. Loin d’être la figurer diabolique que l’on prête au bourreau, il se voyait comme un prêtre se devant d’édifier ses patients mais aussi le public qui assistait à ses exécutions. Et sagace avec ça. D’autres que moi, apprenant qu’il allait abandonner sa charge, étaient allés le voir pour lui demander de les prendre comme apprentis. Il a immédiatement senti en eux le goût du sang, l’envie de massacrer. Il n’a pas donné suite. Ce fut différent avec moi. Je m’approchais de la trentaine, j’étais assez costaud – je travaillais alors essentiellement dans une forge. Surtout, la mort d’Éloïse m’avait donné un air de mélancolie qui tranchait avec l’expression pernicieuse de ceux qui étaient venus voir mon maistre. Je sentis qu’il m’observait avec intérêt, et quand il me demanda pourquoi je voulais être apprenti, je n’hésitai pas, je lui parlai de l’accident survenu à Éloïse, de la mise à mort du chien, des persécutions de Gérald Meschin, ma conviction de la nécessité de raccourcir les âmes méchantes.
À ce mot de raccourcir, Bastien cilla, se remembrant tout à coup la vision du corps dénudé d’Élodie le suppliant de lui couper la tête.
— Je ne puis dire que je fis un discours bien convaincant, je parlais assez mal à cette époque, mais il faut croire que maistre Rougeon l’écouta avec un peu d’intérêt car il me répondit ceci : « Jeune homme, je veux bien vous éprouver quelques septaines. Je vous dirai alors si vous me convenez. Mais je vous préviens, durant ces journées vous n’assisterez à aucune mise à mort, à aucune torture. En revanche vous pratiquerez abondamment les autres besognes de ma tâche. »
— Justement, le coupa Bastien, j’ai du mal à saisir quelles peuvent être ces autres besognes.
— Elles sont assez nombreuses. Il y a d’abord l’entretien des outils, de la potence, du lieu d’exécution. Mais aussi la capture et la mort de chiens errants et autres bêtes pouvant être dangereux. Cela peut sembler contradictoire, mais comme on sait que le bourreau a une bonne connaissance du corps, on peut être amené à le solliciter pour des soins. Cela est bien sûr conditionné par la capacité à surmonter le dégoût que le bourreau inspire. Mon maistre inspirait plutôt un grand respect, je l’ai donc vu plusieurs fois réparer un os brisé ou recoudre une plaie, faute de médecin alentour. Tous les bourreaux ne le font pas, mon maistre lui, estimait que c’était l’un de ses devoirs. D’ailleurs, il n’y a pas que le médecin que le bourreau peut remplacer. Le prêtre aussi, puisqu’il peut recueillir les dernières confessions des condamnés avant de les transmettre aux autorités ou à l’Église. On l’associe souvent à l’Enfer, mais le bourreau se situe en réalité ailleurs. Il n’est que la césure entre le monde terrestre et le monde céleste, il est l’exécuteur final des lois des hommes avant que le condamné, dans l’autre monde, n’ait à affronter celles de Dieu. C’est d’ailleurs pourquoi il peut apparaître dans des processions, à côté d’un homme d’Église. Il est en quelque sorte son compagnon terrestre. Il doit abréger l’existence terrestre tandis que le prêtre permet l’accès à la céleste. Et s’il sait bien parler, le bourreau n’a aucune raison d’apparaître comme une figure démoniale. Là aussi, tous les bourreaux ne sont pas à égalité, certains estimant que leur rôle est juste de raccourcir. Mais d’autres – comme mon maître – ont à cœur de dispenser des leçons de moralité au public après une exécution. M’avez-vous vu exécuter à la place du Destin ?
— Oui, une fois. Je me souviens effectivement d’un discours, mais j’étais trop loin pour bien l’entendre.
— Pourquoi ne pas vous êtes mis au premier rang pour bien l’entendre, vous, un gazetier plein de curiosités ?
— Vous avez raison, j’aurais dû le faire, mais il y avait je crois le dégoût de me mêler à des gens venus avec le goût du sang à la bouche. Et puis, je n’étais pas sûr d’avoir envie de voir la mort de trop près.
— Cela, je puis le comprendre. Mais vous êtes dans le tort quand vous croyez que le public n’est qu’assoiffé de sang. En fait, il tient surtout à être rassuré. Voir la tête d’un méchant se séparer du corps est rassurant. Et quand il sait y mettre de la conviction, le discours du bourreau qui suit, rappelant les lois, les conséquences des crimes, la nécessité de vivre en bon croyant, est toujours attentivement et favorablement écouté, croyez-moi. C’est un rôle primordial : savoir parler pour édifier et dissuader. Je vous passe les autres tâches, moins importantes : gérer les corps, les ensevelir, ou participer parfois au maintien de l’ordre public lors d’événements, pour prêter main-forte à la sergenterie. Si je suis au service du roi, je dépends avant tout du Prévôt.
Bastien, le nez sur son feuillet, la plume s’agitant frénétiquement, n’en perdait pas une miette.
— Je crois l’avoir déjà dit mais je le répète : tout cela est fascinant. Et à quel moment votre maistre s’est dit que vous pourriez vraiment lui succéder ?
— D’abord, au bout de deux septaines, il m’a dit qu’il avait envie de poursuivre l’expérience avec moi. Au bout de deux mois, je compris tacitement que je serais désormais son seul apprenti. D’autres étaient venus, il leur avait répondu sèchement qu’il avait déjà un apprenti et n’en voulait nul autre. J’ai donc beaucoup observé, beaucoup nettoyé et beaucoup étudié. Mon maistre m’a fait lire des ouvrages de médecine, mais aussi de théologie et d’autres sciences. Ce ne fut qu’à la fin de deux années qu’il demanda la permission au prévôt de Thouard de me laisser faire ma première torture. Il s’agissait d’une jeune femme qui avait participé à l’empoisonnement de la famille de son amant. Ce dernier était caché quelque part, elle refusait de révéler l’endroit. Elle était jeune et fort belle, croyez-moi, devant une telle apparence, on n’avait pas envie de s’y attarder pour y répandre le sang. Quand mon maistre me présenta, elle me regarda avec haine. Clairement, son air dédaigneux signifiait assez : « Tu peux me faire ce qu’il te plaira, petit merdereau, jamais je ne trahirai mon homme ! » Eh bien deux minutes après que j’ai commencé, elle finit par avouer.
— Que lui avez-vous… non, ce n’est pas si important, se reprit Bastien, honteux de succomber à la tentation du sanglant.
— Oh ! Je puis le dire si vous y tenez. Mais je puis aussi me contenter de vous dire que je n’usai que d’un canivet, ces petits couteaux que l’on utilise pour tailler une plume. Du reste, avec votre métier, vous devez connaître…
Effectivement, Bastien en avait un en permanence sur son bureau, tout comme les autres rédacteurs. Désormais, il regarderait différemment son outil.
— Votre maistre a été satisfait du résultat ?
— Très. Encore qu’il me dit que lui, il l’aurait fait avouer en moitié moins de temps. Mais j’avais fait comme lui, j’avais bien observé la patiente pour choisir le meilleur outil à prendre et la meilleure partie de son corps où l’appliquer. Je vis juste. Quelques gouttes de sang et beaucoup de larmes coulèrent, bientôt suivis de tous les détails sur la cachette de son amant meurtrier. Ce fut d’ailleurs moi qui, une septaine plus tard, le raccourcis en place publique. Ce fut le moment où mon maistre parla au public pour lui dire que, désormais, André Colart serait le nouveau bourreau.
— J’aurais tellement de détails à vous demander sur tout cela. Mais revenons en arrière. Vous avez parlé d’un autre but pour tenter de vous venger de Gérald Meschin.
Colart, qui avait beaucoup parlé, vida d’un trait son verre de Jouan et, à la mention du tourmenteur de sa sœur adorée, s’en servit un autre, s’imprégnant du silence qui venait subitement d’emplir la pièce. Bastien, fatigué lui d’avoir tant écrit, se sentant de plus en plus de fascination et de sympathie pour cet homme qui parlait de lui-même, imita Colart et tendit son verre à remplir, sentant que les confessions à venir allaient être plus difficiles. Il ne se trompa pas.
— En vérité, mon objectif concernant Meschin était très simple : le tuer moi-même. Mais en l’exécutant en tant que bourreau s’entend, non en l’assassinant. Mon premier objectif atteint – devenir bourreau –, il me fallait maintenant tendre au second : faire en sorte qu’il finisse entre mes mains. Ce ne fut pas bien compliqué. Nous nous trouvions tous deux à Thouard. Lui suivait la voie du vice et du crime, moi de la justice. Ce qui me facilita la tâche était le fait qu’un bourreau est souvent en contact avec la prévôterie. Je croisais souvent des sergents qui venaient chez mon maître pour leur amener un suspect ou un condamné, et nous échangions sur la criminalité et la gueuserie de la ville. Comme il estimait que le bourreau se devait d’en avoir une parfaite connaissance, il m’avait engagé à m’informer, notamment en ayant des accointances avec certains sergents. En vérité je n’avais pas attendu son conseil pour le faire. Dès mon arrivée à Thouard, j’avais fréquenté des tavernes pour essayer de savoir ce que faisait Meschin. J’appris nombre de ses combines, de ses forfaits. Mon but était dangereux puisqu’il visait à me tenir informé au plus près de ses agissements de manière à ce que, lorsque viendrait un crime qui nécessiterait la mort en punition, je puisse prévenir la sergenterie avec toutes les preuves de son forfait. Pour faire simple, je tissai ma toile. Il arriva plus d’une fois que je me trouve dans une taverne avec lui, à seulement quelques pas de moi. Comme j’avais changé, qu’à l’époque je portais la barbe, il ne me reconnut jamais. L’animal tombait toujours plus bas dans la dépravation, dans le dérèglement (de nouveau, à ce mot, Bastien frissonna). Essentiellement, il volait et violait, c’était là ses passe-temps favoris. Il volait avec adresse, sans être vraiment suspecté. Quant au forçage de femmes, que voulez-vous ? on a tellement tendance à croire qu’un forçage est toujours chose plus ou moins recherchée qu’aucune de ses victimes n’osa se plaindre auprès d’un sergent. Cependant, un de ces sergents était comme moi, il tenait le sieur Meschin particulièrement à l’œil pour tenter de le faire tomber. Tenez, je vous le dis mais il est inutile de le placer dans votre article, il officie maintenant à la Capitale. Il se nomme Gérard Castier. Si vous venez de ma part, il aura sûrement plein de belles histoires à vous conter. Cela pour dire que le hasard fit que je rencontrai ce sergent et me liai à lui. Et nous apercevant de notre antipathie commune pour Meschin, nous avons ourdi tout un stratagème pour le piéger. Sans entrer dans les détails, il tomba à cause d’un cambriolage chez une vieille femme qui fut réveillée et mortellement assommée. On me livra un des complices qui, au bout d’une poignée de minutes, me chanta plein de délicieux aveux. Parmi eux : celui que c’était Meschin qui avait tué la vieille. C’en était fait de lui. Il avait beau se terrer, les sergents, avec les indications du complice, ne tardèrent pas à le trouver et, deux heures plus tard, on le mena dans ma pièce de torture.
Colart but une gorgée et, de nouveau, le silence s’installa.
— Je pense que nous pouvons nous arrêter là pour aujourd’hui, fit-il.
— N… non, nous pouvons continuer au contraire.
Mais un regard du bourreau fit comprendre à Bastien que c’était inutile de l’espérer.
— Allons, fit Colart, cela permet de laisser pour vos lecteurs une… comment dites-vous déjà, vous autres conteurs et gazetiers ? ah oui ! une « suspension de mystère ». Du reste je suis un peu fatigué d’avoir parlé. Mettez donc en forme tout ce que vous venez d’entendre, je ne doute pas que votre nouvel article sera aussi bien écrit que le précédent. Et puis, changez-vous les idées, allez donc voir votre gente. Un jeune homme comme vous doit bien en avoir une ?
— Ou… oui.
Il ne comprit pas pourquoi il n’avait pas empêché le mensonge de sortir de sa bouche. Bien que de jolie gueule, Bastien n’avait pas de gente amie. Mais en bégayant ce oui, l’image obsédante d’Élodie s’imposa à son esprit. Gente amie, elle ne l’était pas. Du moins dans la réalité, car dans ses rêves, c’était autre chose.
— Bien, bien. Voyez-la mais pour lui conter autre chose que ce que je viens de vous dire. Le vieux dispenseur de leçons de moralité que je suis a souvent évoqué, après une exécution, l’intérêt à fonder un foyer pour éviter d’emprunter de mauvais chemins.
Et Colart se leva, mettant fin à la discussion et accompagnant Bastien à la porte.
— À demain, donc ? demanda ce dernier.
— Oui, jeune homme, à demain. D’ailleurs…
Il sembla être saisi d’une idée, idée qui fut sur le point d’être formulée.
— Oui ? Dites.
— Non, rien. Nous verrons plus tard. Passez une bonne journée.
Et, sans attendre de réponse, Colart lui ferma la porte au nez.
À suivre…