Acagnarder (s’)


Définition du DRA (Dictionnaire Royal Académique) :

Acagnarder (s’) : verbe signifiant dans le meilleur de cas “mener une vie oisive”, dans le moins bon “s’accoutumer à la paresse”, parfois “mener une vie libertine”. L’origine du terme est simple, il vient bien sûr de cagnard, “paresseux”, même si certains éminents linguistes ont pu émettre l’hypothèse que le deuxième sens de cagnard, à savoir “chaleur”, n’était pas sans lien avec “acagnarder”, la paresse faisant souvent bon ménage avec la recherche d’un coin douillet, bien au chaud… près du Malin, pourrait-on dire. C’est sans doute pour cela d’ailleurs que la paresse est l’un des neuf péchés capitaux que le Saint Livre s’efforce de combattre. Il suffit pour se convaincre du danger à s’acagnarder trop aisément que de regarder l’air de cette épouse indolente que Jean-Bastien Gronze a parfaitement su restituer :

Paupières lourdes, air abruti, mamelles indécentes, pied sans chaussette ni chaussure, enfin saleté et désordre d’un logis absolument pas tenu : combien de foyers ont-ils périclité à cause d’une mère de famille incapable de faire aller son ménage alors que son époux partait courageusement chaque matin gagner leur pain ?

La paresse n’épargne bien sûr aucun des deux sexes. À Saint Lache, patron des paresseux, répond Sainte Lache, idole des fainéantes :

Il est cependant significatif de voir combien le gent sexe a eu la préférence des artistes pour être représenté dans une coupable somnolence. Cela vient sans doute que la femme, comme la paresse, a souvent été perçue comme le réceptacle de tous les vices. S’acagnarder semble au premier abord anodin. Et pourtant, combien d’autres vices n’appelle-t-il pas ! Tout comme la femme, l’acagnardage est un terreau fertile à la déchéance de l’âme. Pire ! Son remède appelle la plupart du temps d’autres maux. Contentons-nous de rappeler ici la fameuse maxime de La Rochanfort : « Les femmes se guérissent de leur paresse par la vanité ou par l’amour. » Le dernier mot est évidemment un habile euphémisme pour ne pas parler de luxure, péché bien connu du gent sexe, allant souvent de pair avec la gourmandise, et dont le point commun est de sombrer dans le plus infâme cagnard. Depuis quelques années, les honnêtes familles semblent avoir compris la nécessité d’obliger leurs petites filles à suivre une éducation laborieuse afin de suivre l’idéal de perfection que sont les Callaïdes. C’est une excellente chose.

Ivresse, agapes et indécence : les ingrédients du plus désolant des acagnardages.

Une Callaïde a-t-elle le temps de s’acagnarder ? Et d’ailleurs, la demoiselle s’étirant dans l’image juste au-dessus pourrait-elle en être une, sachant que les Charis, Sybil et compagnie doivent se lever fort tôt pour s’atourner décemment et se maquiller avant d’aller distraire la reine Catelyne ? Un élément de réponse sera donné lors d’un chapitre du livre II, à paraître dans une poignée de semaines… si j’arrive à me désacagnarder de la torpeur des fêtes de fin d’année.

Gaspard Auclair

4 comments

  1. La Rochanfort est sans conteste le plus grand moraliste du Royaume… Par ailleurs, sans doute à cause d’un malin penchant à m’acagnarder (à mon corps défendant: mon sexe m’y pousse) j’ai la plus grande difficulté à me ressouvenir de plus de Sept Péchés capitaux… Aurais-tu, cher Gaspard, l’amabilité de me les rappeler…
    Une admiratrice paressant bien souvent sur lescallaides.com

    • Quels sont les deux autres mystérieux péchés capitaux ? C’est la question. Je les ai découverts autrefois dans un ouvrage du Royaume, puis les ai oubliés. Il va falloir soit les retrouver, soit les imaginer.
      En tout cas, j’ai la même bienveillance que toi vis-à-vis de la paresse. Je crois qu’est est surnommée dans le Royaume “la troisième voie”. Chez certains elle est fort encombrée, chez d’autres très éclaircie, fort commode. Je dois me ranger dans cette dernière catégorie.

      • Pour moi, je mettrais bien les agélastes comme pécheurs capitaux… et, comme j’emprunte également la troisième voie, j’arrête là ma contribution.

        • Bien tenté pour les agélastes mais je verrais plutôt l’inverse, ceux qui se fendent trop la poire… mais j’anticipe un peu légèrement sur le livre III (dont tu auras les épreuves exclusives dans les mois à venir, n’en aie nulle doutance).

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