Autres voix : “Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?”, d’Adalbert Valcroix

Adalbert Valcroix était connu pour sa poésie particulièrement bigarrée, capable aussi bien de chanter les beautés de la jeunesse que l’ambiance dans une taverne, les charmes d’une ville ou les affres du temps qui passe. Ainsi ce poème, écrit alors que le poète venait de fêter ses soixante ans et que certains talents pour effectuer des exploits sous la courtepointe commençaient à n’être plus qu’un lointain souvenir. Il peut d’ailleurs être amusant de le comparer à d’autres poèmes composés alors qu’il était bien plus satisfait de sa virilité, par exemple “Mon cœur ardent, mon vit vaillant, rien ne m’arrête !”, que nous évoquerons peut-être un jour…

 

Je suis vieillard, au vit et corps rabougris,
Mais ma femme, hélas, est d’un autre avis.
Je me couche tôt, à moi la tranquillité !
Mais elle m’éveille, obsédée de volupté.

Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?

Elle saisit mon bras, le connin plein d’espoir,
Je grogne : — Mes hanches crient, elles sont en noir !
Elle me presse : — Alors je vais grimper sur toi !
Mais le vit se lève à peine, tel un vieux chat.

Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?

Elle s’assied dessus, ses seins gris affaissés,
Pendouillent comme des poires, lasses et usées.
Je soupire : — Ô jeunesse, où es-tu partie ?
Elle rit, répond :  — Viens, montre ta galanterie !

Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?

Je saisis la courtepointe pour me cacher,
Mais elle rit et me dit : — Viens donc te montrer !
Elle m’agrippe, et moi, je pense à mes douleurs,
À chaque mouvement, mes os crient à l’horreur.

Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?

Elle se tortille et moi, je compte les étoiles,
Espérant que vienne enfin la fin du bal.
Elle finit par se coucher, bien satisfaite ;
Moi, je reste à l’agonie, le souffle en défaite.

Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?

Au matin, tout brisé, je me lève, bien lent.
Elle m’embrasse et me dit : — Tu es si vaillant !
Je souris, tout en pensant à mes maux d’hier,
Mais pour l’amour, mon corps n’est plus qu’un vieux dessert.

Ah, pauvre de moi, que veux-tu que je fasse ?

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