Apprenons la grammaire avec “Le Précis Fondamental de Romanian” de frère Jérôme #1

Roi” ou “roi” ?

C’est sous le règne du roi Marceau qu’un moine du royaume, soucieux de donner de la cohésion à notre belle langue, s’est chargé d’établir et de consigner dans un ouvrage une liste impressionnantes de règles qui permettraient de lui donner une cohérence faite pour dépasser les langues des autres royaumes. Certes, toutes les règles n’ont pas toujours été bien appliquées, frère Jérôme (ainsi se nommait le moine) étant doté d’un tempérament généreux (458 “cas”ont été consignés dans son livre, cas suivis d’une pléthore de règles) et sans doute un peu trop pointilleux. Il n’empêche, son Précis Fondamental de Romanian a indéniablement permis à notre langue de sortir de siècles de barbarie et d’acquérir un éclat que les siècles suivants ont su polir. Comme nous avons la chance de disposer d’un exemplaire du Précis, nous en donnerons un aperçu dans cette nouvelle série d’articles.

Cas n°237 : « Roi » ou « roi » ?

Devons-nous user d’une majuscule ou d’une minuscule lorsque nous écrivons ce mot (et, par extension, quand nous voulons évoquer une reine, un prince, une princesse, un duc, etc.) ? Voici dix règles que le Précis encourage à suivre.

1) Majuscule obligatoire si le roi agit en tant que souverain dans une situation de prestige.

Exemple : Le Duc se prosterna devant le Roi et baisa son anneau.

2) Majuscule derechef si le Roi est mentionné avec déférence par ses sujets ou courtisans.

Certes, la règle peut paraître contradictoire compte tenu du fait que ces derniers tiennent plus de la boue que de la noblesse, mais justement, il convient de préserver le Roi d’éventuelles maculations.

Exemple : « Sa Majesté le Roi honorera cette humble demeure de Sa présence », dit avec une déférence exagérée monsieur de Ganelon, bien connu pour sa servilité proverbiale.

3) Majuscule évidemment si « Roi » est utilisé comme une incarnation du pouvoir et de l’ordre divin.

Exemple : Le Roi est le bras de Dieu sur cette terre.

4) Majuscule toujours si l’on parle du Roi dans un serment, une proclamation ou un jugement officiel.

Exemple : Le Roi ordonne que l’on dresse la liste de ses vassaux fidèles.

5) Enfin Majuscule si le roi est évoqué dans une vision, une prophétie ou un contexte mystique.

Exemple : Les astres ont parlé : un Roi tombera, un autre s’élèvera.

Passons maintenant aux cas prescrivant la minuscule. Ici, je préviens le lecteur que je me suis astreint à l’essentiel : au lieu de quinze cas décelés, je ne lui en livre que cinq.

1) Minuscule si le roi agit comme un homme ordinaire, dans un contexte trivial ou dégradant.

Exemple : Le roi mangeait goûlument, oubliant tout maintien.

2) Minuscule si l’on parle du roi de manière distante, critique ou moqueuse.

Exemple : Les seigneurs le trouvaient bien faible, ce roi incapable d’imposer son autorité.

3) Minuscule si l’on mentionne des rois en général, sans individualisation.

Exemple : Certains rois meurent dans leur lit, d’autres sous la lame.

4) Minuscule dans un registre familier ou ironique, même si le personnage reste un souverain.

Exemple : Ah ! Le roi, toujours entouré de ses bouffons et de ses catins malpropres !

5) Minuscule enfin si le roi est en situation de faiblesse, d’humiliation ou de doute profond.

Exemple : Ce soir-là, le roi pleura en silence, seul face à son reflet.

Bien entendu, on peut jouer de ces cas pour créer de saisissants effets de contrastes. Ainsi, dans la phrase « Le Roi vomit ses tripes dans les douves après un banquet indécent », la majuscule, normalement proscrite compte tenu du contexte, donne un plaisant effet ironique. En fait tout est affaire de contexte, de ce sur quoi on veut insister. Ainsi ces deux exemples :

Le roi chevauche en cuir la reine.

Le Roi chevauche en cuir la Reine.

Le premier cas insiste sur la trivialité de l’instant tandis que le deuxième cherche à souligner l’union de deux figures souveraines dans un cadre solennel ou politique (Le Roi s’unit à la Reine pour assurer la lignée).

Un dernier exemple : Le Roi tardait à sortir des latrines.

Avec minuscule, on met l’accent sur le grotesque de la situation (le roi est constipé), tandis qu’avec majuscule, on veut percevoir la scène avec solennité, par exemple si l’état de santé du Roi inquiète la cour (Le Roi souffre d’une malédiction intestinale, et le Royaume tremble).

Bien sûr, il est des rois qui, dans les livres d’histoires, ont spontanément été évoqués avec une minuscule. Et cette dernière semble être de rigueur dans les chansons dites « à boire ».

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