La Plume viciée (30) : Tildes, omoplates et braguette humide

Résumé de l’épisode précédent : Piégées par dame Odile, Aalis, Charis et Sybil sont obligées d’assister à la “classe de maistre” du grand poète maudit Clément Villon. Petite consolation, elles ont la surprise de découvrir que la personne devant animer cette classe n’est autre que dame Odile qui a bien du mal à contrôler de tumultueuses émotions que la proximité du rugueux poète lui procure. Cependant la classe se termine et une certaine lassitude commence à poindre…

— Bon, que faisons-nous ? On rentre ?

La question venait de Sybil qui, des trois, était celle qui avait le moins goûté la classe de maistre. Charis y avait fait son miel poétique, Aalis s’était bien amusée de l’intervention de Galien Barde et des vapeurs que sa maistresse avait été incapable de camoufler – et que l’apprentie Callaïde se promettait de rapporter aux autres élèves –, mais Sybil, elle, n’y avait pas trouvé le moindre agrément.

— Rentrer ? Mais… et Diane de Monjouy ? fit Aalis.

— Eh bien quoi, Diane de Monjouy ? Ma jolie, je l’ai bien assaisonnée avec ma prestation tantôt. On ne va pas non plus y passer la journée, rentrons plutôt, je vais en profiter par faire une ou deux boutiques à la Traversaine avant de retourner à l’école, pour une fois qu’on a le droit de sortir.

— Non, tu ne peux pas, intervint Charis, tu oublies que nous avons promis à dame Adèle de rester jusqu’à septantrie !

D’ordinaire, c’est le genre de remarque qui eût immédiatement fait pleuvoir des gausses sur le chef de la brune. Mais Aalis se retint. Et d’ailleurs, plus que se retenir…

— Elle a raison, si on sait que nous sommes parties avant l’heure promise, nous allons encore être punies.

Aussitôt le regard de Sybil présenta un estrange mélange de berlue et de dédain.

— C’est nouveau, ça. Avoir peur d’être punie ! Toi qui n’en rates pas une, qui fais tout pour l’être pour le plaisir d’avoir l’air crâne ! L’envie te viendrait-elle de devenir la choupeton bis de l’école après Charis ?

Si Aalis était une excellente amie de la blonde, il faut bien reconnaître aussi, qu’une fois par jour, ses mains délicates étaient traversées d’irrépressibles picotements, de ceux que l’on éprouve avant de donner une mornifle sur le museau d’une personne qui vous irrite. Et ces picotements avaient bien souvent Sybil pour cause. Mais cette dernière avait touché juste en évoquant sa brillante manière de déconfire la Monjouy. Aalis le sentait bien venir, ça, le lendemain, elle paraderait avec son brio et irait d’allusions sur l’impuissance d’Aalis à publiquement honnir la gazetière. Or, si Aalis avait de l’orgueil pour beaucoup de choses, il en était une pour laquelle elle ne voulait céder en rien : l’art de la bailler chaude.

— Ma foi, ma vieille, tu fais comme tu veux, répondit-elle. Pars donc, moi, je reste avec Charis adorée. Et oui, je vais prendre plaisir à faire ma choupeton. Hé ! Ne suis-je pas censée être experte dans l’art de la comédie ? Je vais me faire un plaisir d’endosser ce rôle… et de cafter ton départ auprès d’Odile. Ben quoi ? C’est ainsi que fait une choupeton, non ? Mais vas-y, fais-toi plaisir, désobéis, fais-toi punir et montre-moi le plaisir qu’il y a après à avoir l’air crâne !

Si le ton était joyeux, un je ne sais quoi de menaçant faisait que des passants alentour ne pouvaient s’empêcher de détourner le regard pour observer ces gamines aux crinières chatoyantes en train de se toiser comme deux chattes se disputant l’unique matou de leur rue.

— Voyons, n’allez pas vous disputer, intervint Charis. Faisons une dernière activité jusqu’à moins le quart et rentrons en passant par la Traversaine. On ne nous tiendra pas rigueur pour un quarteron.

C’étaient là sages paroles, qui plus est prononcées avec une cordialité toute de douceur qui savait tempérer les élans parfois ombrageux de ses amies. Sybil avait bien envie de rétorquer une insolence, mais elle sut finalement refréner son envie, tournant le chef dédaigneusement sur la droite, Aalis faisant de même du côté opposé.

Le trio se rendit donc dans la salle où allait avoir lieu la rencontre artistique entre Diane de Monjouy et Guillaume Vilet, l’écrivain de ces dames.

Le cas de ce dernier a été amplement évoqué par notre confrère Gaspard Mercier, narrateur des Callaïdes. Pour faire simple, disons qu’il était aussi vénéré par certaines femmes qui prisaient son style sans prétention (il est vrai qu’il ne pouvait guère se targuer d’en imposer stylistiquement parlant) que conchié par les vrais connoisseurs qui voyaient dans son succès le symptôme d’une abêtification et d’un criant manque de goût caractéristiques de l’époque.

Charis s’était tenue sagement à l’écart de ses ouvrages (nous n’osons écrire « œuvres »). Il est vrai aussi que les livres composant la bibliothèque de l’école étaient soigneusement choisis pour ne pas dénaturer l’esprit des jeunes pousses. Mais elle en avait entendu parler et avait même eu sous les yeux des extraits qui lui avaient fait le même effet que la lecture des articles de Diane : en gros, entre lire du Vilet ou caresser la tête du petit chien de dame Adèle, elle préférait encore cette dernière activité, c’était plus intéressant.

C’est donc le cœur indifférent et l’esprit ailleurs qu’elle pénétra dans la salle où devait avoir lieu le mornifiant échange. Et comme dame Odile, probablement dans quelque coin pour pratiquer des jeux de langue d’une autre nature avec Clément Villon, n’avait pas éprouvé d’intérêt à assister à la rencontre, les trois donzelles furent libres de se placer où elles désiraient, c’est-à-dire partout sauf au premier rang. Voulant tout de même bien entendre afin de distiller une impertinence (il était probable que l’on demande à l’assistance de poser des questions), Aalis proposa de s’installer au milieu. Sybil accepta du bout des lèvres tandis que Charis suivit le mouvement avec empressement, non par hâte d’écouter mais de lire. Elle voyait en effet la rencontre comme l’occasion d’entamer tranquillement la lecture de l’un des beaux ouvrages qu’elle avait acquis.

Elles s’installèrent donc au huitième rang et cela tombait bien, du moins pour un gros garçon assis juste derrière. Il s’agissait du spectateur qu’Aalis avait rencontré lors de la prestation théâtrale de Sybil. Plus que rencontré d’ailleurs : titillé, excité, émoustillé et même branlotté verbalement puisque le pauvret avait laissé couler dans ses braies certaine matière visqueuse et blanchâtre.

Aalis l’aperçut et il faut croire que sa vue lui fit plaisir car aussitôt elle lui lança :

— Tiens ! Mon sympathique amateur de tragédie ! Alors ? Bien remis de certaines paroles toutes de fièvre ?

Le gras garçon rougit. Remis, oui. Mais il lui avait fallu trouver un point d’eau pour se nettoyer convenablement et il avait du coup le membre tout frileux dans sa culotte humide. Frileux mais probablement disposé à retrouver de la vigueur si l’adorable rousse daignait encore lui parler. En tout cas, au-delà d’une certaine gêne il ne niait pas que sa vue lui procurait aussi du plaisir. Ce qui l’enhardit :

— Oui-da Mademoiselle, et je suis fort aise de vous retrouver ici. Aimez-vous donc beaucoup Guillaume Vilet ? Je le prise fort !

— Ah ! désolée, répondit Aalis en s’asseyant, mais moi je le conchie. Sachez qu’on nous in-ter-dit de le lire à l’école ! C’est d’un mauvais goût ! Et d’une fatuité ! Tsss ! Vous me décevez beaucoup.

La foudre tomba sur le garçon, mais peut-être pas autant que des femmes présentes venues pour voir Guillaume Vilet et qui froncèrent les sourcils en entendant cette petite goupile mal torchée en train de dire du mal de leur idole.

— Ou… oui, vous n’avez pas tort, j’ai dit que je l’aimais bien, mais j’avoue aussi qu’il peut parfois être un tantet ennuyable, corrigea le garçon qui, au fond, se moquait pas mal de Guillaume Vilet puisqu’il était venu pour surtout revoir la décollade de Diane de Monjouy. Il avait formulé son intérêt au hasard, en espérant plaire à Aalis.

Voirement, il ne mentait pas quand il disait qu’il était bien aise de revoir Aalis, sans compter qu’en plus de retrouver sa belle amie blonde, la rousse était cette fois-ci accompagnée d’une jolie brune au visage délicieusement rêveur. Elle aussi une apprentie-callaïde, sans doute.

Devant lui, il ne pouvait dire que la vue était déplaisante. Les trois corps adolescents, sanglés dans des robes simples et de bon goût, laissaient apprécier des formes qui, justement, surent en donner une plus affirmée à ce qui trempait mornement dans sa braguette dans une culotte nettoyée à l’eau froide. Lors de la joute théâtrale, Aalis et Sybil s’étaient assises derrière lui, cette fois-ci il pouvait pleinement profiter des six beaux tildes verticaux qui allaient du buste à la croupe en se creusant pour faire saillir la taille. Il imaginait sa main moite surmontée de ses doigts boudinés se poser sur icelle (n’importe laquelle, il s’apercevait que les trois jeunes filles lui plaisaient également), pour simplement la flatter, ou bien pour l’agripper et lui imprimer certains mouvements lascifs que sa pruderie et la protection de sa maman ne lui avaient encore permis d’effectuer autrement qu’en songe.

Agréables tildes, donc, mais agréables aussi étaient les échancrures dans le dos qui donnaient à voir le grain de peau ainsi que l’os des omoplates. Bon, il y avait bien sûr plus séduisant chez une jeune fille que les omoplates, mais lui qui avait les siennes invisibles parce que recouvertes d’une belle épaisseur de gras, il ne put s’empêcher d’y voir une offrande érotique à ses désirs. D’ailleurs, les femmes qui s’étaient offusquées du déplaisant commentaire d’Aalis à l’endroit de Vilet, remarquèrent aussi ces échancrures et ces omoplates, et ne purent s’empêcher de tiquer devant ce qu’elles estimaient être une provocation de petite gadoue en herbe. Il faut préciser ici, qu’à l’école de dame Adèle, si l’on proscrivait aux élèves les échancrures et autres décollades sur le devant (au grand dam de certaines ouailles désireuses de faire fi des convenances), on tolérait celles dans le dos. Les élèves ne se faisaient pas prier pour adopter de telles robes : après tant d’heures passées à étudier le beau langage, les arts théâtraux, la musique et la danse, il fallait bien que leurs corps délicats respirent un peu !

Mais plus que les tildes, plus que les omoplates, ce qui acheva de rendre moins flasque le membre du gros garçon, fut la vision des délicates nuques, parfaitement à découvert chez la brune, en partie cachées par une chevelure attachée chez la blonde et la rousse. Leur pureté, leur blancheur, leur soyeuseté l’émurent beaucoup, cela et la profusion de délicats chevins autour des coquillages qui leur servaient d’oreilles. Ah ! S’approcher discrètement de celles de la rousse espiègle juste devant lui, approcher son nez de ces fils orangés, les baiser, les goûter avant de les…

Le rouge monta derechef aux joues, puis au front et même à ses cheveux bruns qui eurent comme des éclats sanguins. Il eut un peu honte de la vision qui lui était venue (par générosité, nous ne la divulguerons pas). Mais était-ce aussi de sa faute si ces trois jeunes grâces s’étaient assises devant lui ?

Encouragé par la personnalité à la fois moqueuse et amicale de la rousse, il entreprit cependant de se pencher pour atteindre une de ses oreilles, non pour la lécher mais pour y glisser une remarque plaisante, quand soudain…

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