Les Jidamas

Les Jidamas sont à la reine Kaoru (du Shimabei) ce que sont les Callaïdes auprès de Catelyne, à savoir des dames de compagnie doublées d’artistes accomplies. Comme nous sommes quelques jours avant Noël et que je ne dois pas présumer de mes forces (forces d’ailleurs toutes tournées du côté de la publication imminente du tome I du Livre II), je me contente ici de reproduire un passage du chapitre XXXVII :

Elles aussi étaient des femmes accomplies en matière d’arts. Pour les voyageurs acharnés qui ne se contentaient pas de rester à l’intérieur du royaume, la comparaison entre les Callaïdes et les Jidamas ne prêtait pas à discussion. Pour la beauté, il était difficile de comparer d’autant que les Callaïdes ne représentaient pas un type de beauté en particulier mais cinq différents, présentant une variété que l’on décelait moins chez les Jidamas (au nombre de trois). En revanche, il y avait chez ces dernières un raffinement sophistiqué, poli au fil des millénaires, que l’on ne retrouvait pas chez leurs homologues du Royaume. Et pour ce qui était de la maîtrise des arts, là aussi, on ne trouvait jamais de scories alors que certains crus, certains éléments parmi les Callaïdes s’étaient parfois avérés décevants, pour ne pas dire médiocres.

Rares étaient ceux qui avaient pu admirer ces artistes accomplies. Aussi leur présence, avec la promesse de montrer l’étendue de leur talent, émerveilla-t-elle Catelyne.

Eh oui ! Avec ce pays avatar du Japon qu’est le Shimabei, il était difficile de dédaigner la geisha. Il s’agit cependant d’un type de geisha adapté pour faire contraste avec les cinq Callaïdes destinées à rester vierges jusqu’à leur trentième année à moins de trouver un mari avant. La seule interdiction pour les Jidamas, c’est de ne pas devenir grosses. Pour le reste, elles sont libres d’avoir un amant et ça tombe bien car elles en font forte consommation :

Nous écrivons « ses amants » car les Jidamas, contrairement aux Callaïdes, n’étaient pas tenues à la chasteté. Le Shimabei avait sur les choses de l’intimité un regard bien différent de celui du royaume. Peu importait que les Jidamas eussent encore ou non leur peau de vierge, c’était leur affaire. Elles pouvaient jouer des airs de musique devant le roi et la reine, et le soir devenir elles-mêmes des instruments de musique entre les mains d’amants passionnés capables de les faire chanter toute une nuit, cela ne regardait personne d’autre qu’elles et leurs joueurs de Shimajinnes à la chair souple. La seule chose à laquelle ces jeunes femmes devaient faire attention était de ne pas devenir grosses. Aussi leur fallait-il prendre leurs précautions pour éviter que la semence masculine pénètrât dans leur matrice au mauvais moment. Les moyens pour cela ne manquaient pas mais c’est un autre sujet. Pour en terminer avec cette possibilité d’avoir des amants, disons que cela provenait dans l’esprit des Shimabis de la nécessité d’exalter la jeunesse et la beauté dans son éphémérité. Ne pas le faire était anormal et bien des jeunes femmes voyaient avec désespoir le nombre des années avancer sans qu’elles aient eu la possibilité d’offrir leur pucelage à quelqu’un. Certains textes religieux étaient très durs à l’égard de ces femmes gardant pour elles leur trésor, textes qui jetaient soit l’opprobre, soit la suspicion quant à quelque possession maléfique. En comparaison, la religion du royaume affirmait tout l’inverse : le mal, le démon était forcément du côté du désir qui parasitait cette chasteté.

Au moment de l’histoire des Callaïdes, les trois Jidamas se nomment Mana Irié, Sora Hoshi et Sasaki Tomisu. Nous n’expliquerons pas comment elles font la rencontre des cinq héroïnes, disons juste qu’elles les prendront tout de suite en grippe et seront déterminées à les ridiculiser dans le domaine des arts (puisque du côté de la beauté il y a du répondant). L’une d’elle surtout, dame Mana, réputée pour être la plus grande danseuse de son pays et un rien goguenarde d’apprendre que cette fillette mal dégrossie qu’est à ses yeux Mari se pique de maîtriser la kalani. Mais n’entrons pas trop dans la personnalité de cette Jidama puisqu’elle aura bien droit un jour à son propre article dans la rubrique “les armides”. Elle le mérite.

Gaspard Auclair

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