Velours (et légende de Laphios rencontrant les Callaïdes) 1/3

Laphios s’apprêtant à maléficier les Callaïdes (peinture de Jean-Benoît d’Arnoult)

Définition du DRA (Dictionnaire Royal Académique) :

Velours : nom masculin désignant la matière protectrice qui pousse sur les bois des cerfs et pouvant faire penser au tissu du même nom. Cette peau les nourrit de sang et tombe avant la période du rut et repousse en même temps qu’une nouvelle paire de bois après la mue, lorsque le cerf a trouvé femelle.

Cette peau constitue un ingrédient précieux chez les apothicaires et surtout pour les hommes devenus faibles pour la chose puisque réduit en poudre et consommé avec un verre de vin (rouge, de préférence), le velours permet d’obtenir la raideur tant espérée. Il convient cependant de ne pas se tromper dans les dosages et dans la boisson. Témoin ce seigneur qui avait versé trois cuillers dans un verre de vin blanc et dont la raideur, déraisonnable par la taille et l’intensité qui avait rendu son membre aussi dur que de la pierre, lui est restée trois bons mois sans interruption, accaparant une bonne partie du sang de son organisme et empêchant la bonne irrigation des autres membres et surtout de son cerveau. Le supplice l’a rendu à moitié fou et l’a surtout fait prendre en dégoutation, à vie, les agréments qu’il était venu chercher, ce qui est bien regrettable.

Rappelons sinon la belle légende de la rencontre entre Laphios et les cinq Callaïdes, Amété, Danallis, Lilaïa, Phoebe et Zephixo, alors simples mortelles, filles d’un grand seigneur (le seigneur Callaïdes) et toutes blanches de peau. Réputées pour leur grande beauté, elles l’étaient aussi pour leur arrogance, leur continuelle paresse et leur abyssale sottise puisqu’elles étaient incapables de faire autre chose que de se baigner, de se mirer dans des miroirs ou de se farder. Mais un jour, alors qu’elles s’ébaudissaient dans un étang non loin du château où elles habitaient, un beau cerf s’approcha. Ses bois magnifiques laissaient pendre des lambeaux du velours qui avait fini de les nourrir de sang. Intrigués et sans crainte, les Callaïdes s’approchèrent pour regarder de plus près les bouts de tissu et, prenant courage, aidèrent le cerf à s’en libérer. L’opération était à peine achevée que le cerf subit une surprenante métamorphose : les poils de sa fourrure rentrent en sa peau, son cou rapetisse, ses oreilles s’arrondissent, son museau s’aplatit pour faire apparaître un visage d’homme, ses pattes de devant deviennent des bras, ses sabots des mains et des pieds, enfin sa posture se redresse, n’étant plus soutenue que par une vigoureuse paire de gambes. Seule subsiste la magnifique paire de bois. Le cerf n’était pas un cerf ordinaire, il s’agissait du dieu Laphios, dieu solitaire ayant fui la retraite divine pour vivre auprès de ses créatures terrestres peuplant les forêts, dieu sombre et farouche n’aimant rien d’autre que la poésie de ses royaumes de verdure, enfin dieu séducteur ne dédaignant pas de délaisser ses biches pour de belles humaines qui résistaient rarement à sa belle prestance.

Il crut qu’il n’en irait pas autrement avec ces cinq belles jeunes femmes à la peau blanche comme le nacre, au derrière comme deux melons d’eau et à la gorge rebondie comme miches sortant du four à pain. Il s’approcha d’icelles et, comme à son habitude, déclama d’une voix chantante un long poème rendant grâce à la beauté des Callaïdes, car épris depuis toujours de beauté, il ne doutait pas que le langage le plus à même de la fêter était ce chant de la terre, ce chant des origines que la déesse des déesses avait mélodié en créant le monde, tandis que son mari était parti chasser des étoiles.

À suivre…

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